C’est une question évidemment plus sensible du côté de l’agence que de l’annonceur, mais celle-ci reste intéressante à traiter car elle permet d’envisager plus largement les qualités de chacune des possibilités, et plus largement du cycle d’internalisation des prestations entre une agence et ses clients.
Traditionnellement, la veille et l’e-réputation (surveillance des marques, des dirigeants et des produits, et plus si affinités : concurrence, régulateurs, innovation…) connaît deux modèles :
- la délégation de la prestation de veille de l’annonceur à une agence web spécialisée
- l’internalisation du processus en interne, qui peut impliquer une réorganisation (recrutement, formation, définition de process de circulation des livrables)
Quelques remarques rapides sur les avantages et les inconvénients de chacune de ces possibilités
Veille externalisée
- Avantages
•   Expertises croisées : veiller ne s’improvise pas, même si de plus en plus, les alertes (type Google Alertes) se démocratisent parmi les directions de la communication, du marketing, voire des hautes sphères tout court. Une agence spécialisée veille différement pour ses clients, et peut donc apporter des innovations et des croisement intéressants pour la marque qu’elle accompagne
•   « Assurance-vie » : c’est un phénomène plutôt classique dans une relation agence-annonceur, en cas de problème, le second peut toujours se défausser de sa reponsabilité en pointant du doigt le manquement de l’agence (omission d’une alerte ou mauvause gestion d’une crise, par exemple
- Inconvénients
•   Prix : Là où le bat peut blesser, puisqu’il s’agit d’un budget non négligeable pour qui veut une veille sur un an (compter de 20 à 80 000 euros selon les périmètres et outils utilisés), avec des suppléments pour les prestations « annexes » (alertes de veille, cartographies de communautés, études d’impact ponctuelles…). A rapporter toutefois au coût d’un recrutement (40-50K minimum pour un veilleur en CDD/CDI), et au risque de louper l’expertise d’une agence
Veille internalisée
- Avantages
•   Disponibilité : ah, qui n’a jamais rêver d’avoir son propre veilleur sous la main, pour lui demander en permanence, telle le capitaine à sa vigie, où en est l’e-réputation de la marque sur tel secteur ? Oui, c’est toujours plus rassurant que de devoir attendre les alertes ou, pire, de devoir solliciter l’agence sur un élément qu’elle n’aurait pas considéré comme digne d’alertes
- Inconvénients
•   Temps de travail : sauf si vous êtes un très gros annonceur, de taille mondiale et avec des périmètres de veille très larges, il y a peu de chances pour qu’un veilleur vous serve à plein temps (quoique). Dans ce cas, il faudra lui trouver d’autres activités pour amortir son coût, et aussi pour le distraire d’un travail, la veille, qui peut rapidement devenir rébarbatif (avec le risque de baisser le niveau de vigilance du veilleur).
Je prêcherai donc logiquement pour ma paroisse, celle de la veille externalisée dans les agences, mais sans sectarisme pour autant, et en précisant quelques points.
•   Il peut être intéressant d’intégrer tout ou partie de la veille chez l’annonceur pour des raisons de pédagogie. Un client mieux au fait, formé et organisé pour veiller sur sa propre réputation, c’est un client éduqué qui comprendra mieux le rôle d’une agence web (conseil, production de contenus, RP digitales, etc)
•   Une agence ne devrait pas fuir l’internalisation de sa veille. Certes, un budget est amené à disparaître. Mais pas de manière immédiate (former, organiser l’annonceur pour qu’il puisse veiller apporte une nouvelle expertise à l’agence). Et d’autres budgets peuvent découler de cette relation de confiance (engagement avec les parties prenantes – community management, ou d’autres prestations selon les métiers de l’agence)
Martin Pasquier
Pour ma part (ancien en agence et maintenant chez l’annonceur) je dirais que la problématique n’est pas binaire et demande une vraie prise en compte des besoins, moyens ,etc.
Bon, pour faire un peu avancer le débat, je dirais que comme le community management la veille gagne a être internalisée lorsqu’elle ne vise pas à mesurer l’efficacité de certaines actions de comm par exemple…
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une agence répond à un besoin souvent mal définie (et surtout cherche à en créer de nouveau pour faire marcher les filiales ou autre pôles de l’agence), là où un veilleur interne saura mieux percevoir les freins à l’appropriation de l’info, la réelle utilisation de celle-ci, qui en fait quoi, etc. Sans parler de la réactivité, des économies générées, du développement d’une culture de l’info, etc.
Aller, pour le compromis : un consultant délégué chez le client ?!… 😀
Je note que le consultant en régie a la côte côté veilleurs… ça sent la tentation du jeune agencier qui veut les avantages de la grande entreprise 🙂
Mais oui, c’est probablement un bon compromis même si une régie en veille n’a peut-être pas beaucoup de sens sur la com’ de crise et les alertes, non ?
Comme le disait le grand Raymon Aron “quand j’entends de 2 choses l’une, je prends la 3ème …” . Pour ma part, je choisis la prestation en régie intégrée à l’équipe, ce qui allie les 2 bénéfices. C’est ce que j’ai expliqué maintes fois et notamment ici http://www.slideshare.net/ygourven/innovation-research (avec le commentaire)
Merci pour votre insert !
Malheureusement pour nous les agences, je pense que plus la veille et l’e-reputation seront considérés comme stratégiques, plus ces métiers seront internalisés.
Tout à fait d’accord avec ton dernier paragraphe.
Sauf si de nouveaux territoires sont à veiller… je pense souvent au mobile et à l’angle mort qu’il représente quelque part (comment veiller les interactions sur un mobile, par ex)
M
J’avais publié un billet sur le même thème : http://patrickcuenot.wordpress.com/2011/04/16/externalisez-votre-veille-aupres-d%E2%80%99un-charge-de-veille/
Cela dépend des critères d’évaluation de la performance économique de l’entreprise ainsi, bien évidemment, que de sa culture.
Merci Patrick,
La question culturelle est assez clé effectivement… et plutôt chouette, je trouve, de pouvoir faire changer une culture d’entreprise à l’égard de l’info web (web social notamment, pas uniquement lemonde.fr)
M
Je pense que la veille devrait faire partie des fonctions importantes de l’entreprise, vu qu’elle sert la stratégie de l’entreprise, le marketing, la comm, les RP, RH…
Les annonceurs doivent cesser de prendre la veille comme une solution “one shot” et Å“uvrer dans un processus d’apprentissage de leur environnement informationnel externe et de sa complexité.
Mon avis sans langue de bois: internaliser la veille (qu’elle soit concurrentielle, technologique, sectorielle…, ou veille web) car c’est ses résultats qui guideront les décideurs dans leurs choix court et moyen termistes.
Et le plus c’est que le veilleur connait déjà bien l’environnement informationnel interne de l’entreprise (ses besoins, ses attentes, sa vision…), ce que “les agences” ignorent pour la plupart.
Pour réussir sa veille on sait qu’il faut réussir à cerner et délimiter le besoin. Si cette première marche est ratée, les résultats de la veille ne seront pas probant pour l’annonceur. Est ce que les agences ont l’expertise de creuser et définir le vrai besoin? Je vais rester optimiste et dire qu’il y en a surement quelque unes.
Bref, il y a un travail monstre d’évangélisation sur la veille à faire auprès des annonceurs. A bon entendeur!
Intéressant, merci !
Idéalement, donc, internaliser, mais en recrutant un veilleur qui a pu faire ses armes en agence (maîtrise des outils, de la variété des sujets, des méthodos ?)
M
En recrutant un veilleur qui a pu faire ses armes en agence ? Pas forcément…
Tout dépend, comme l’a très bien souligné Amal, du besoin de l’entreprise. Or, comme elle le souligne également, les agences n’ont pas toujours l’expertise pour détecter le besoin. Au mieux, elles comprennent la demande, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Cela laisse néanmoins en suspens la question du sourcing pour trouver “l’oiseau rare” (pas si rare que cela, d’ailleurs) qui sera en charge de la Veille en interne. J’ai bien une idée, mais les mauvaises langues diront que je prêche pour ma paroisse. Plus sérieusement, le recrutement du chargé de Veille devrait s’appuyer sur une prospection du Web social. En effet, quel serait le sérieux d’un chargé de Veille que l’on ne verrait nul part sur le Web ? A moins d’exclure le Web du champ de la Veille, ce qui me paraît peu pertinent.
Dès lors, nos amis RH vont se trouver confrontés aux problématiques de la RH 2.0, traités par une foule de sources. Pour ceux que cela intéresse, je suggère la lecture de deux billets “Recrutement et Medias Sociaux” : http://unbridledtalent.com/2011/11/14/10-presentations-using-social-media-in-hr-recruiting/ ou “Les DRH et les réseaux sociaux” : http://blog-espion.fr/drh-reseaux-sociaux-web-2-0/ Il s’agit, bien entendu, d’une sélection totalement arbitraire et subjective. D’autres billets sont disponibles pour ceux qui sauront les chercher…et les trouver. Tiens, cela pourrait être intégré au processus de recrutement…
En tout cas, voilà une opportunité de faire rentrer la Veille et l’IE dans les RH…
Comme je l’avais souligné sur Twitter, je vois selon le graphique de l’étude que 55 % des entreprises ont déjà internalisé leur veille – manuelle de surcroît.
Je pense qu’on peut en déduire plusieurs éléments:
– les logiciels déçoivent : un veilleur professionnel est nécessaire pour traiter l’information
– la fonction est déjà considérée comme stratégique et sensible : les données doivent rester en interne
– les agences n’ont pas réussi à les convaincre d’externaliser : la valeur ajoutée des agences n’est peut-être pas à la hauteur
Pour moi aussi, l’entreprise a tout à gagner à internaliser cette fonction car elle capitalise des connaissances et du savoir faire qui deviendront de plus en plus stratégiques pour elle.
Mais je n’ai pas l’impression que le marché aille dans ce sens: je vois de nombreux appels d’offres d’externalisation, des offres de stages à gogo chez les agences, des fonctions de communication généralistes sans formation digitale chez les annonceurs etc. Le marché irait à contre-sens ?
Hello !
Il y a moyen que les entreprises se sentent + en sécurité avec un internalisé, qui à priori et sauf grosse erreur RH, sera toujours à même de repérer l’occurrence négative qui fait si peur (et qui fait acheter la veille). Mais ça ne leur permet probablement pas de dégager le sens de l’opinion pour entrer en mode influence
M
Assez d’accord avec les 3 idées avancées par Kamablog 🙂
En l’occurrence, j’ai pu constater pour ma part que les entreprises ont tendance à céder à la tentation de “l’outil magique” pour finir par comprendre que le veilleur derrière l’outil est indispensable pour de bons résultats !
Egalement, la fonction est bien intégrée comme étant stratégique, mais l’austérité actuelle ne prête pas à lui accorder pour autant suffisamment de crédits…
Bonsoir à tous,
Dans les commentaires que j’ai lu quelque chose m’interpelle: certains parle d’une veille “orientée” pour les besoins de l’entreprise… La frontière entre veille et analyse est mince!
Pour moi (je me considère comme néophyte en la matière) une veille reccueille ce que j’appellerai des “données brutes”, le choix de la “pertinence” de ces données commence a relever de l’analyse.
Confier a un tiers la collecte des données, pourquoi pas. C’est ce que chacun peu faire en disposant du savoir faire et de certains outils.
Selectionner la pertinence de ces données (et donc l’interet que l’on y porte, et l’usage qu’on va en faire) commence a relever de la logique d’entreprise… Avec toute la sensibilité que cela peut avoir (stratégie, orientations, etc….).
De plus un prestataire travaillera aussi pour d’autres ( à moins d’avoir un contrat d’exclusivité), voir meme pour la concurrence directe! Qui sera le mieux servi?
Je rejoins donc l’idee d’une externalisation pour la “veille pure”, a defaut de pouvoir le faire en interne.
Pour tout ce qui commence à toucher à l’analyse, je prônerais plutôt un choix interne.
La meilleure solution pouvant être celle du consultant avec exclusivité ou confidentialité dans le domaine.
Cordialement,
JL
Ps: je vous prie de bien vouloir excuser les éventuelles fautes d’orthographe, mais répondre à partir d’un smartphone n’est pas toujours des plus facile!