Le mot “communauté” pose de nombreuses questions (d’où ce blog), notamment dans la manière dont il tend à s’imposer dans le jargon des professionnels de la communication digitale. Plusieurs champs tous très fertiles s’ouvrent à la réflexion (lien avec le communautarisme, origine anglo-saxonne du concept, implications politiques et culturels du modèle communautaire dans une société française centralisée, etc), mais également des sujets plus proches du terrain, notamment en veille.
Veiller sur les médias sociaux, c’est souvent, côté back-office, se confronter à la communauté qui est un critère de codage des informations récoltées, en faisant un indicateur qualitatif (avec la tonalité, par exemple) qui va s’associer aux indicateurs quantitatifs (volumétrie des conversations et de la diffusion de l’information). Deux tendances semblent se dégager quant à l’usage du terme “communauté” dans la veille :
- La communauté thématique (ou affinitaire), assez proche de l’interest graph qui qualifie les relations sur un réseau comme Twitter (je suis des personnes proches de mes centres d’intérêts). Les médias sociaux sont alors découpés en groupes thématiques, même si cette approche recouvre elle aussi des “thématiques” très différentes, avec des âges (les seniors, les ados), des usages (les motards, les fans de scrapbooking), des catégories de l’action politique (défense, agriculture), des statuts maritaux (e-mamans, gays), des secteurs économiques (immobilier, musique), etc…
- La communauté “plateforme”, qui s’attache non pas à la thématique abordée, mais au type de source qui parle du sujet mis en veille. Cette approche “outils” segmente alors les médias sociaux en : actus (comprendre : presse), blogs, forums, réseaux sociaux (Facebook, Twitter), sites de partage vidéo (Youtube, Dailymotion, Vimeo). Ce raisonnement peut également aboutir à faire de chaque site une communauté (cf. ZD Net)
Ces deux versants de la communauté, l’un qui regroupe des personnes partageant des traits en commun, l’autre des personnes situées à un moment sur une même plateforme, sont également à envisager lorsque l’on discute puis livre les résultats de la veille aux clients. Ceux-ci comprennent – en général – mieux la communauté “plateforme”. D’abord parce qu’il y en a moins et que “le web” peut leur apparaître autrement comme un bazar informe. Ensuite, ces communautés sont toutes à peu près connues voire utilisées par les clients (qui “ont un Facebook”). Enfin, pour des directions de la communication qui conservent un héritage très “presse”, la hiérarchie des communautés (presse, blog, forums, réseaux sociaux dans cet ordre) est lisible, et les informations relevées en veille d’opinion mieux comprises en termes d’influence.
Inversement, les communautés thématiques permettent sans doute une compréhension plus fine des phénomènes d’opinion et de la circulation de l’information. Notamment parce qu’une communauté thématique vit sur plusieurs plateformes. Si vous cherchez les motards, ils sont à la fois sur des sites de presse (Motomag), des forums (Le repaire des motards), des comptes Twitter, des groupes Facebook… et qu’une information qui intéresse cette communauté se retrouvera probablement sur l’ensemble de ces plateformes.
Le découpage des médias sociaux en communautés est donc sujet à une variété d’approches, résumées ainsi : à chacun les siennes. Les outils de veille (Linkfluence, Synthesio, Trendybuzz, Sindup, Radian6, Alerti…) n’offrent pas les même “services à la découpe” avec des approches thématiques, par plateforme, voire les deux.
Pour celles et ceux qui veillent sans outils, le découpage communautaire est également à géométrie variable : un client santé se verra offrir une plus fine granularité de ses communautés “santé” (médecins, pharmaciens, régulateurs, associations de malades) qu’un client dans l’automobile (pour lequel il y aurait alors une seule communauté “santé”).
Le choix de l’approche, en veille, dépendra de la sensibilité de l’agence à l’un ou l’autre découpage, mais peut aussi être lié au volume de données à traiter : plus celles-ci sont nombreuses, plus il sera compliqué de coder chaque occurrence par communauté thématique.